L'art de bien traiter (1674)
L'art de bien traiter (1674)
The text:
L'ART DE BIEN TRAITER DIVISÉ EN TROIS PARTIES. OUVRAGE NOUVEAU, CURIEUX, et fort Galant, UTILE A TOUTES PERSONNES, ET CONDITIONS. Exactement recherché, & mis en lumiere, Par L.S.R. A PARIS, Chez Jean du Puis, ruë S. Jacques à la Couronne d'or. M.DC.LXXIV. (Reprint Luzarches 1978.)
Significance of the text:
Contemporary to La Varenne; author is a severe critic of La Varenne's proposals; one of the three or four mid-17th century innovative French culinary texts after a long time of „stagnation“.
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<<a1a>>
L'ART
DE
BIEN TRAITER
DIVISÉ EN TROIS
PARTIES.
OUVRAGE NOUVEAU, CURIEUX,
et fort Galant,
UTILE A
TOUTES PERSONNES,
ET CONDITIONS.
Exactement recherché, &
mis en lumiere,
Par L.S.R.
A PARIS,
Chez Jean du Puis, ruë S. Jacques
à la
Couronne d'or.
M.DC.LXXIV.
Avec Privilege du Roy.
<<a2a>>
L'ART
DE BIEN TRAITER.
QUi montre la veritable science
d'aprester, déguiser
& servir proprement
toutes sortes de viandes, & de
poissons, grands & petits potages,
entrées,
ragousts, entremets, patisseries,
& legumes avec une methode
qui n'a point
encore esté veuë, ny enseignée, &
qui détruit
toutes celles qui ont precedées, comme
abusives,
obscures & de tres-difficile execution.
___ Où l'Auteur fera voir,
La maniere la plus
polie, & la plus approuvée
de couvrir une table pendant
les differentes saisons
de l'année, avec des démonstrations
fort
intelligibles, mesme par figures aussi aisées à
connoistre
que faciles à pratiquer, le tout conformément
au goust, à l'inclination, & à la portée
d'un chacun.
___ Ensuite la façon,
De dresser, & parer un
ou plusieurs buffets,
faire le choix exquis, & le
discernement des
meilleurs mets, en varier les garnitures, &
les
assaisonemens.
___ Qui parlera de plus,
Des lieux à manger, du
bastiment des cuisines,
& offices, des ustenciles, &
pieces necessaires
qui la composent.
<<a2b>>
___ De l'usage des meilleurs vins, de leurs differences,
___
& de leur regime, des accidents
___ de la glace,
Qui
par sa mortelle nouveauté blesse non
seulement les corps,
mais encore détruit la force,
& la qualité du
vin. D'où il arrive que par cette
fatalle invention la
pluspart des gens
s'empoisonnent à la mode.
___ Et enfin, des desserts, des colations,
___ & des
ambigus,
Des reduits les plus propres, & les plus
galants
à les faire, comme dans les jardins, les bois,
les
grottes, sur les eaux, & autres lieux qui
s'accommodent
plus facilement à ce genre de plaisir.
De la maniere de confire universellement sans
beaucoup
d'embaras.
De conserver des fruits de toute espece en leur
naturel, &
long-temps.
___ Des melons
Et du choix qu'on doit faire pour ne se
laisser
surprendre aux appas de ce fruit trompeur, dont
l'usage
est souvent plus pernicieux que salutaire.
___ La methode facile & agreable,
De travailler les
pastes, les fleurs, & les legumes,
à qui le feu, le
sucre & les eaux odoriferantes
peuvent donner ensemble, &
des formes nouvelles,
& des delicatesses particulieres.
<<1>>
PREFACE.
Ie sçay bien qu'en matiere de
nouveautés
il n'est pas facile
de plaire à tout le monde, &
que
comme les humeurs, aussi
les gouts sont differens; mais
si
dans ce rencontre on se veut donner la
peine de faire quelque
reflexion sur le sujet
que je traite aujourd'huy par des
voyes
toutes opposées à celles dont quelques
vieux
auteurs ont parlé à leur mode, on ne
peut
disconvenir, & on avoüera méme que
j'ay eu raison
de reformer cette antique,
& dégoûtante maniere
d'aprester les choses,
& de les servir, dont la
disconvenance,
& la rusticité ne produisent que
dépenses
inutiles sans ménagement, que
profusions
excessives sans ordre, & enfin que
superfluités
incommodes, sans profit, & sans
honneur.
Ce n'est point aujourd'huy ce prodigieux
regorgement de mets,
l'abondance des
ragouts, & des galimafrées, la
compilation
<<2>>
extraordinaire des viandes qui
composent
la bonne chere, ce n'est pas entassement
confus de
diverses especes, ces montagnes
de rost, ces changemens redoubles
d'assiettes
volantes, & d'entremets bizarement
servis, où
il semble que l'artifice & la
nature s'aillent entierement
épuiser pour la
satisfaction des sens, qui font l'objet
le
plus sensible de la delicatesse de nostre
goust, c'est bien
plûtost le choix exquis
des viandes, la finesse de leur
assaisonnement,
la politesse, & la propreté de
leur
service, leur quantité proportionnée au
nombre
des gens, & enfin l'ordonnance
generalle des choses qui
contribüent
essentiellement à la bonté, &
à l'ornement d'un
repas, ou la bouche, & les yeux
trouvent
également leurs charmes par une
ingenieuse
diversité qui satisfait les sens, & qui
leur
fournit avec abondance tout ce qui est
capable de remplir
leurs desirs, & leur
inclination.
Pour bien reüssir dans ce dessein, & le
conduire avec
methode, je donneray tous
les enseignemens necessaires à
l'assaisonnement
de chaque partie, & je marqueray
ce qu'il
faut servir, & que l'on peut
naturellement donner pendant les
differentes
saisons de l'année, sans affecter toutes
ces
<<3>>
obscurités qui embarassent les
esprits du
vulgaire, ces extravagantes finesses, &
ces
nouveautés imaginaires qui passent le plus
souvent
dans les festins pour de grands &
specieux phantômes, &
des inventions
chymeriques bien plus propres à deconcerter
toute une compagnie, qu'à luy donner
les veritables
moyens de manger avec
plaisir, & comme du plus au moins on
peut
aisement connoistre ce qu'il faut sur une
table, je
feindray de six à huit, & de dix à
douze deux
manieres differentes de la couvrir,
pour soulager non seulement la
dépense,
mais encore pour contenter les
gouts opposés,
car je ne puis m'empescher
de dire qu'il se rencontre souvent des
gens
qui rebutent, & qui condamnent hautement
tout ce que
leur fantaisie n'approuve
pas, parce qu'ils ont de l'aversion
contre
quantité de bonnes choses au goust
desquelles
ils n'ont jamais pû s'accoûtumer;
& comme il se
rencontre rarement que
dans une compagnie quelqu'un ne s'éleve,
&
ne s'emporte contre ce qui a plus
d'antipathie au doux penchant
de sa nature,
aussi a-t-on juste raison de presenter toûjours
de
plus d'une sorte, afin que l'humeur
dominante trouve ce qui a plus
de
rapport, & de conformité avec son desir,
<<4>>
&
que ces mangeurs incommodes ne
puissent pas consequemment blasmer
ce qui
fait la matiere la plus commune, & la plus
raisonnable
de l'inclination des autres.
J'espere donc que cette petite production
ne sera pas tout à
fait mal venüe, chés nos
illustres friands, pour qui
la politesse du
manger à des charmes inconcevables,
qu'elle
sera méme goûtée des esprits les
plus
difficiles, & les moins accoustumés à
donner
leur applaudissement aux choses,
que les experts en cette
profession aussi
bien que les moins versés y pourront
trouver
des douceurs, & des satisfactions assés
considerables.
Je ne m'embarasseray point icy dans la
discussion, &
l'examen d'une infinité de
choses qui sont plûtost
par leurs irregularités
des momeries de table que des
circonstances
requises à l'établissement d'un
bon
repas, chacun à peu prés dans cet ouvrage,
&
selon son rang, & selon sa fantaisie ne
manquera point d'y
trouver des regles, &
des moyens assés nettement
digerés, &
tres-facilement expliqués pour donner
à
manger à telle nature de compagnie qu'il
voudra.
Je croy méme qu'on ne verra point icy
les absurdités,
& les dégoutantes leçons
<<5>>
que
le Sieur de Varenne ose donner, &
soûtenir dont il a
depuis si long-temps
leüré; & endormy la sotte &
ignorante
populace, en luy faisant passer ses productions,
comme
autant d'infaillibles verités,
& la doctrine du monde
la plus approuvée
au fait de la cuisine, je sçay
qu'il a
jusques à present emporté la gloire
d'en
avoir donné les regles, & la methode, je
sçay
que la plebe, & des gens méme assés
éclairés
ont donné dans cette lecture, comme
dans quelque chose de
sublime, d'entendue,
& de parfait; la raison de cet
aveuglement
est qu'il ne s'est jamais trouvé
personne
pour en combattre les erreurs,
non que je veüille tout à
fait le détruire, &
le desapprouver; il y a des regles
generales,
& des choses en ce monde qui necessairement
doivent
estre ainsi qu'elles sont, parce
qu'elles ne peuvent pas estre
autrement,
mais si nous l'examinons un peu de prés
nous
y verrons tant de bassesses, & tant
de ridicules manieres de
s'enoncer,
d'enseigner mesme ce qu'il pretend estre
irreprochable, & incontestable dans toutes
ses parties,
que nous verrons peu de
Chapitres, où nous ne trouvions
des dégouts,
de la confusion, & des
fautes
insupportables.
<<6>>
Et pour en donner quelque idée à vos
esprits,
parcourés, & lisés avec moy
plusieurs &
differens articles dans lesquels
on voit l'établissement de
cette plaisante
doctrine, mais avant toutes choses
precautionnés
vous de quelque bon antidote,
& songés à prendre
un singulier preservatif
contre les poisons, & les infamies
que
vous y allés trouver, de crainte qu'a la
découverte
de tant d'impuretés vostre
coeur ne s'échappe, &
ne rencontre la
mort, ou le centre (?) de la vie devroit
estre
dans un degré le plus parfait, & le plus
éminent.
Ne fremissés vous point déja au recit
d'un potage
de sarcelles (?) à l'hypocras,
d'alloüettes à
la saulse douce? Voyés-vous
sans horreur ce potage de
trumeau de boeuf
au tailladin, cette soupe de marmite? Celle
de
teste de veau frite ne vous fait-elle
pas rire, ou plûtost
pleurer de compassion,
allés plus avant, & considerés
ces potages
de manches d'épaulles en ragoust,
de
citroüille, & d'herbes sans beure, de
grenoüilles
au saffran, de son, d'oubelon, de
panets, de framboises, & de
plusieurs autres
saletés de cette farine, voyons
ensemble
je vous prie un jaret de veau à l'epigramme,
un
poulet-dinde à la framboise
<<7>>
farcy des
manches d'épaules à l'olivier,
du gras double en
ragoust, foye de
chevreüille en omelette, poulets en
ragoust
dans une bouteille, ramequins de suye de
cheminé,
& d'aulx tripes de morüe fricassées,
boüillie,
topinambourgs, carottes,
& une infinité d'autres
gueuseries que l'on
souffriroit plus volontiers parmy les Arabes,
& les margajeats que dans un climat
espuré comme le
nostre, ou la propreté,
la delicatesse, & le bon goust
font l'objet
& la matiere de nos plus solides
empressemens.
Passons donc s'il vous plaist à de plus
honnestes, &
plus importantes leçons, &
pour y apporter quelque
ordre nous
diviserons tout ce discours en trois parties.
La premiere traitera des potages grands,
& petits, ragouts,
daubes, entrées,
entremets, tourtes, & pastés
de toutes sortes,
coulis, pressis, jus, boüillons, liaisons,
gelées,
salades, & legumes, de leur assaisonnement,
cuisson, service, & embellissement,
dans toutes leurs
parties.
La seconde des poissons de toute nature,
tant de mer que de
riviere, de leur déguisement,
& des choses
generalement quelconques
qui peuvent estre du grand, & du
plus naturel usage de la vie pendant les
jours maigres.
<<8>>
Dans la troisiéme on montrera la belle,
& nouvelle
maniere des desserts, collations,
& ambigus, des confitures
differentes,
& de plusieurs autres curiosités qui
sont
essentiellement necessaires à la
perfection de nostre
sujet.
A tout cela nous joindrons un petit discours
dans la premiere
partie, du bastiment
des cuisines, de la façon de preparer
les
buffets, d'orner les salles à manger, de l'usage
trop
frequent de la glace, & de ses
accidens, des vins, de leur
choix, & de
leurs differences pour les conserver,
du
compartiment des lieux, & de l'ordonnance
des services.
Dans le Traité de la seconde, les potages
de toute
nature, courboüillons, demy
courboüillons, gelées,
fritures, hachis,
pastés, coulis, ragouts, & legumes
se
verront exactement, & tres-facilement
expliqués
pour s'en servir au besoin.
Et enfin dans la derniere, on fera voir la
disposition des
lieux les plus propres au
service des collations & des repas
les plus
galands, des desserts que l'on donne à la
fin
d'iceux, des ambigus differens selon les
divers temps de
l'année, en tel endroit qu'il
vous plaira. La façon
de confire tout ce
qui peut naturellement en ce genre
souffrir
<<9>>
le feu, le sucre, & les eaux
odoriferantes
par une methode aussi aisée, que
particuliere,
de conserver toutes sortes de fruits
d'une année
à l'autre, & plus long-temps
si l'on veut, des lieux
destinés à leur
conservation, de quelques
circonstances qui
en regardent l'établissement, des
compotes,
fleurs, pastes, legumes, & autres
ingenieuses
particularités, qui sont de l'essence,
& de la beauté
des festins, & des colations,
du devoir des officiers en
cette partie
des societés, & regales que l'on
peut
faire sur les eaux, dans les grottes, & dans
les
jardins, des assemblées, & galanteries
du carnaval.
Voila le plan de nostre ouvrage, & toute
la matiere de ce
discours, que j'ay tres
regulierement traité pour la
satisfaction, &
l'utilité de ceux qui s'en voudront
servir,
commme [!] un sujet où l'on ne rencontrera
rien
qui repugne au bon sens, & à l'honnesteté
de la
vie.
<<10>>
TABLE GENERALLE
De la premiere partie pour
les potages,
grands, & petits, entrées,
entremets,
ragouts, daubes, patisseries, salades,
legumes,
compotes & viandes à rostir
selon les differentes
saisons de l'année.
Premierement.
Les Potages.
POtage de santé de chapon, & de
jaret de
veau garny &c.
Potage d'abbatis d'agneaux.
Potage de chapon, & de pigeons
ensemble.
Potage de petit oisons, & de poulets au
naturel, ou farcis.
Potage de pigeons autrement une bisque.
Potage de cailles.
Potage à la Reyne.
Potage de bizets aux choux.
Potage de poitrine de veau.
Potage de canards aux navets, ou
autrement.
Lesqeuls potages quoyque seulement
dix en nombre se peuvent
diversifier, &
multiplier jusques à plus de vingt par
le
<<11>>
changement des viandes qui les composent,
& la diversité des assaisonemens que
l'on y peut
mettre, en les augmentant ou
diminuant à proportion des
services, car
il y a un certain tour à donner aux
choses
qui les fait souvent passer d'un état mediocre
à
un plus considerable, & qui avec un
peu d'application leurs
donne un grand
lustre, & je ne sçay quel
embelissement
qui va tout à l'avantage, & à la
gloire de
l'ouvrier, & comme il faut qu'en toutes
choses
la connoissance precede l'action si
l'on veut traiter ses amis,
ordonner des repas
somptueux, établir chés soy des
loix
pour l'oeconomie des festins, & des bons
ordinaires
que l'on est obligé de soutenir
pour les causes, & les
raisons que chacun
peut avoir en son particulier, on en
pourra
faire telle quantité que l'on jugera le
plus à
propos, s'appliquant judicieusement,
& avec une conduite
rectifiée au
choix, & au discernement des
manieres
differentes qui les doivent composer, &
ce
conformément au nombre, & à la qualité
des gens, ce que je diviseray seulement en
deux classes, pour
ne point embarasser les
personnes qui ont à se regaler
souvent,
ou entretenir journellement une honeste
dépense,
& comme la nature a donné
<<12>>
indifferemment
à tous les hommes le bon
goust, & les organes capables
de faire le
discernement des bonnes ou des mauvaises
choses, &
notamment quand au desir, &
à l'inclination du manger,
que le plus pauvre
peut trouver dans la solle, & dans la
perdrix le méme plaisir, & la méme
delicatesse, que le plus friand, & le plus riche
y
gousteroit; qu'ils ont tous deux également
ce penchant
naturel à temperer les
ardeurs de la soif, & appaiser
leur faim
par toutes les choses destinées au commun
usage
de la vie & qui la peuvent flater
plus amoureusement, que le
partage inégal
des biens, & de la fortune en fait
souvent
l'obstacle, & en cause toute la
difference,
j'établiray à cette consideration
deux
manieres tres-faciles & fort
accommodées aux
conditions de toute nature,
sans m'embarasser par des
abstractions, &
curiosités inutiles dans la recherche
de ces
modes gesnantes, & d'une infinité
d'extravagantes manieres qui captivent
furieusement la
bourse, & les inclinations.
<<13>>
TABLE GENERALLE
Des entrées.
Premierement.
FRicassée de poulets.
Tourte de beatilles.
Langues de mouton à la Royalle frites
marinées.
Petits pastés de blanc de chapon.
Pigeons à la compote.
Poictrine de veau en ragoust.
Poulets fris marinés servis au sel, ou à la
saulce.
Poulets à l'estoufade.
Tourte de moëlle.
Tourte de pigeoneaux entiers, ou en
culoste.
Poictrine de veau farcie en ragoust, ou
frite servie au sel.
Abattis d'agneau en ragoust.
Petits oisons farcis en ragoust ou au
naturel.
Tourte de chapon desossé.
Pigeoneaux fricassés.
Membre de mouton desossé farcy.
Langues de mouton en ragoust.
Foye de veau en ragoust.
<<14>>
Petits oisons à la daube servis chauds.
Poulardes en ragoust.
Foye de veau en ragoust.
Tranches de foye de veau marinées frites
servies au sec.
Espaule de mouton à la galimafrée.
Espaule de mouton desossée en hachy.
Membre de mouton à la daube.
Piece de boeuf tremblante à la Royalle.
Boudin blanc.
Toutes les entrées cy-dessus se peuvent
entrelasser, &
joindre les unes avec les
autres pour augmenter, changer &
fortifier
les garnitures de tous les services comme il
se verra
dans la suite de ce discours en
donnant l'explication de chaque
partie.
------------------------------
TABLE
GENERALLE
Des viandes à rostir.
LOnge de veau.
Quartier de veau.
Agneau entier.
Agneau gras par quartiers.
Cochon de laict.
Poulets de grain.
Poulets tardifs.
Pigeons de voliere.
<<15>>
Chapons de paillé.
Chapons gras.
Chapons de bruge.
Oisons de l'année.
Levraux de campagne.
Lapereaux de garenne.
Ramereaux.
Dindons de l'année.
Dindoneaux.
Marcassin.
Cailles.
Tourterelles.
Faisands.
Gelinotes du Man.
Gelinottes de bois.
Perdreaux.
Perdrix.
Beccasses.
Beccassinnes.
Ramiers.
Pluviers.
Bizets.
Rouges.
Sarcelles.
Vaneaux.
Oiseaux de riviere.
Grives.
Alloüettes au naturel, ou picquées.
Dans lequel dénombrement il est aisé
à
<<16>>
connoistre quelles viandes on doit
servir
dans un temps, & quelles dans un autre
en faisant
une exacte revision de tous les
differens services pour en
composer un qui
revienne le plus à vostre goust, & à
vostre
inclination.
--------------------------------
TABLE
GENERALLE
Des salades.
OLives d'espagne.
De verone, & de lüe.
Picholines, ou nonpareilles.
Chicorée blanche commune.
Chicorée sauvage blanche.
Betteraves.
Capres.
Herbettes printanieres de toutes sortes.
Celery.
Violettes.
Cresson commun.
Cresson alnois.
Citron.
Grenade.
Petites laictuës naissantes.
Laictuës pommées.
Chicons.
Pourpier au naturel, & confit.
<<17>>
Persepierre.
Concombres.
Cornichons confits.
Anchoirs.
Comme ce discours est plus de la
sommellerie que de la
cuisine; Je n'en diray
rien presentement me reservant au
Chapitre
des legumes, & du Traité d'icelles d'en
parler amplement, & de montrer à fond
une infinité
de manieres des plus propres,
& des plus galantes, pour
composer,
dresser, enjoliver, & servir toutes sortes
de
salades, & autres enjoüemens de cette
nature.
------------------------------
TABLE
GENERALLE
Des entremets.
RIs de veau en ragoust.
Ris de veau picqués rostis.
Ris de veau marinés frits, ou en baignets.
Jambon de Bayonne, de Mayence, ou de
pays.
Blanc manger.
Gelée.
Tourte de franchipanne.
Champignons au naturel.
Champignons frits.
<<18>>
Champignons farcis.
Morilles.
Mousserons.
Asperges en poix verts.
Asperges de longueur à la saulse.
Asperges à l'huile.
Artichaux au beure.
Artichaux frits.
Petites febves nouvelles au lard.
Culs d'artichaux à la compote.
Culs d'artichaux par tranches en baignets.
Oeufs embrés.
Oeufs à la huguenotte.
Pasté de Perdrix.
Poictrine de veau à la daube.
Dindons à la daube.
Petits oisons à la daube.
Hure de sanglier.
Trufles au naturel.
Oreilles, & pieds de porc en fricassées.
Pieds de porc à la sainte Manehou.
Petits baignets.
Langues de porc parfumées.
Foyes grats frits, en ragousts, ou picqués,
Rostis.
Ommelette de jambon, ou au lard.
Cardes d'artichaux.
Choux fleurs.
Citrons doux.
<<19>>
Oranges de portugal.
-----------------------------------------
DESCRIPTION
DE LA SALLE
à manger.
DEs lieux propres à faire les cuisines,
& les
offices, des ustanciles, & pieces
necessaires qui les
composent, de la
maniere de dresser un buffet, & des
autres
singularités absolument requises pour
mettre,
conserver, & entretenir toutes choses
en bon ordre parmy les
gens qui se mélent
de faire souvent des regales, & qui
veulent
soûtenir dans leurs maisons une dépense
conforme
au rang qu'ils tiennent, & de
rapport à leurs
plaisirs.
Si en Hyver.
Il faut choisir l'appartement, & le reduit
le plus serré,
le plus chaud, & le moins
exposé au grand air, bien
tapissé, fermé de
chassis doubles, & un
paravant au devant
de la porte, & sur tout grand feu
toûjours
une bonne heure avant qu'on se mette à
table,
& qu'apres la desserte on entretiendra
doucement jusques au
soir pour y conserver
la chaleur.
Si en Esté.
On choisira l'endroit le plus vaste, le
plus frais, & le
mieux orisonté pour estre
<<20>>
à
l'abry des grandes chaleurs, les salons y
sont fort propres, &
les galeries, notamment
celles qui ont des veuës, ou sur
la
campagne, ou sur des jardins, qui par la
diversité
agreable des fleurs, des fruits, &
des fontaines, dont ils
sont ordinairement
remplis font un charmant spectacle pour
les
yeux. Là dans un poste le plus commode,
& le plus
éclairé on posera une table
qui sera toûjours
plus longue que large,
ce que l'on nomme vulgairement le buffet,
sur laquelle ayant desployé, & étendu
une
grande nape qui la couvre de toutes parts,
& qui se
répande mesme jusques sur le
plancher, vous mettrés
au moins deux
bassins d'argent ovalles, ou ronds, deux
esguieres,
un sucrier, & un vinaigrier,
deux piles d'assiettes aux deux
bouts, &
sur la derniere de chacune pile on laissera
deux
serviettes fort proprement ployées
en cas de survenans,
outre lesquelles il y
en aura deux autres encore destinées
à
essuyer les mains, & icelles posées sur
les
esguieres, dans la distance des bassins, &
de leurs
espaces, on rangera les verres bien
rinsés, & quelque
peu d'eau que l'on y
laissera pour entretenir la fraicheur &
la
netteté, pour une plus grande politesse il
sera mieux
de les renverser sur des grandes
<<21>>
soucouppes
d'argent, ou de cristal, car en
matiere de buffet tout doit estre
si faire se
peut d'argent, à l'exception, si vous
voulés
des assiettes, & des plats mesme de la
table,
qui est un meuble precieux, où toutes
personnes
ne peuvent pas facilement atteindre,
soit que la consequence s'y
oppose,
ou que les moyens y repugnent par leur
mediocrité,
la table sera exposée en bel air
& à la veüe,
comme dit est, la plus
agreable, le couvert propre, le linge
tres-blanc,
tres-fin, & artistement plié, par gens,
si
vous le souhaittés experts en cette profession
de
laquelle de tous ceux qui en font
l'exercice se démele le
plus excellemment le
nommé Vautier, &
comme cette premiere
façon de servir est d'un plat, &
de deux
assiettes sur un ovalle, il y faut deux coliers
autrement
dits porte-assiettes & deux salieres
aux deux bouts de la
table, le pain
proprement enveloppé dans la serviette,
couteaux, fourchettes, & culieres dans une
tres-grande
netteté, & que les couteaux
sur tout n'y servent qu'à
coupper le pain,
& les viandes, & n'aillent pas viloter de
la
salle à la cuisine, de la cuisine à la chambre,
& de la chambre à l'escurie ainsi que l'on
voit en
bien des lieux où telles necessités
sont des selles
à tous chevaux, ce qui fait
<<22>>
souvent
qu'appliquées à de mauvais usage[,]
elles en
retiennent le goust, & produisen[t]
à la longue une
tres méchante suite; pou[r]
conserver des couteaux de
table, iceux
retirés de service doivent estre lavés
en eau
chaude, & bien essuyés avec un linge for[t]
sec,
& les serrer dans une boëte de
longueur convenable,
pleine de son, & le
plus sec aussi que faire ce pourra pour
en
user au besoin. Quant au linge il faut pour
la derniere
propreté, mais fort necessaire
en changer si faire ce peut
à chaque service,
j'entends les serviettes seulement.
Ajustés de plus une cuvette de la grandeur
qui
conviendra le plus sur un bon pied
tourné, tout proche le
buffet dans laquelle
on mettra deux grands flaccons d'estain
ou
d'argent, car hors les vaisseaux de grés
& de terre il
n'y en a pas qui puissent
conserver l'eau dans sa pureté,
que l'estain &
l'argent, parce que des pieces de verre dans
une machine de cette nature, avec
l'embarras qui s'y
rencontre le plus souvent
iroient bien-tost au pays de la casse,
mais
je ne croy pas que dans un appareil de cette
consequence
on aille y mesler des matieres
si basses, & si peu convenables
au sujet. Et
pour ne point moüiller ou salir la nappe
dudit
buffet à mesure que vous emplissés
<<23>>
vos
éguieres, que vous fringués, & rinsés
les
verres, il faut faire construire une petite
machine de bois avec
des ais de sapin
bien joints, & bien polis, de la hauteur,
&
joignant l'un des costés dudit buffet,
qui couvrira tout un
costé de la nappe, &
repassera par derriere la cuvette,
ce qui se
posera facilement, & s'enlevera de méme
apres
le repas, il faut observer de plus que
les nappes de table &
du buffet doivent se
répandre de toutes parts jusques à
terre
pour un plus grand ornement, & si quelques
bouts se
trouvent incommoder en
s'écartant trop loing il faudra les
noüer &
retrousser proprement, & ce en figure
si
faire ce peut afin que l'on en voye autant
d'un costé,
que d'autre.
Répandés, & semés par tout quantité
de fleurs & des plus agreables à la veüe,
qu'il
y ait méme quelque cassolette dans
un des coins de la
chambre remplie de
parfums les plus doux, car il ne faut rien
épargner pour les delices des sens, & pour le
plaisir
entier, ornés vostre buffet de petits
flaccons de cristal
que vous ferés emplir
de la plus exquise, & plus
delicieuse
boisson du temps, car en ce rencontre le bon
pain,
& le bon vin sont les deux grands
necessaires de la vie, &
les premiers
<<24>>
mobiles d'un repas, à
l'égard du vin je vous
en diray en passant s'il vous plaist
quelque
chose ainsi que je m'y suis engagé dans ma
preface
pour vous instruire en cet article
qui n'est pas le moins
important de tous.
Des vins, de leur choix, de leur
differences,
& de la maniere de les conserver.
En matiere de vin, le plus delicat, & le
plus coulant passe
toûjours pour le meilleur,
& comme les gouts sont
differents,
que les uns aiment le bourguignon, & les
autres
le champenois, il faut pour en bien
connoistre les qualités,
& les differences
aux regles, & instructions que je
déduiray
cy-apres pour en faire un bon usage.
Pour ne point écorcher l'anguille par la
queüe,
nous commencerons par la cave
sans laquelle on ne peut conserver
aucuns
vins, ny faire les provisions necessaires
pour le
secours, & l'entretien des maisons
les mieux reglées.
Premierement.
Plus une cave est profonde, & meilleure
doit elle estre,
parce que sa profondeur
y cause une fraischeur extraordinaire,
attendu qu'elle est plus éloignée du Soleil
qui
est le principe de la chaleur dont les
ardeurs sont mortelles aux
vins méme les
<<25>>
plus forts, bouchés
les soûpiraux si aucuns
y a d'incommodes, par lesquels on
puisse
jetter des immondices, ou qu'il puisse par
iceux entrer
quelque mauvais air dont ces
appartemens soûterrains
reçoivent de
l'infection, prenés garde que les
lieux
communs en soient fort éloignés pour ne
leur
point communiquer par transpiration une
malignité
si contraire à leur établissement,
que tout y soit
propre comme dans vostre
cabinet; la plus grande marque de la
bonté
de vostre cave, & toute autre parestra
dans
son humidité, lorsque vous verrés
une certaine glu
d'un bon doigt d'épais
attachée aux parois de la
voute: pour
l'applanir, & la rendre égale par tout,
faites y
répandre des recouppes de pierre de taille
bien
passées d'un demy pied de haut, &
bien battües,
cette methode entretiendra
d'abondant la fraischeur des lieux,
ayés
des chantiers de bois bien unis comme de
grosses
solives, & ce à proportion de la
quantité de
vins que vous encaverés; on
les posera en bon ordre aux
endroits les
plus abriés des soûpiraux; la veritable
saison
de faire sa provision, est d'ordinaire en
Avril, ou au
plustard à la my-May avant
les chaleurs, afin que ces
mortelles ennemies
ne détruisent point par leur approches
<<26>>
les qualités essentielles à
la conservation
du vin, qui est le baûme precieux de la
nature, & le plus doux charme de la vie.
On fera choix
desdits vins à proportion du
nombre que l'on (?) peut
consommer dans une
famille, c'est un détail dont je ne puis
donner
precisement des exemples certains,
mais quand en gros, &
en general, les vins
d'Auxerre, de Coulange, & de Joigny,
sont les plus propres aux bons Bourgeois,
& à tous
les gens qui vivent d'ordre, &
sont toûjours meilleure
fin que les autres,
on doit bien prendre garde à ceux qui
se
peuvent conserver, & aussi qui peuvent
changer plûtost,
ceux que l'on doit boire
les premiers, & ceux que l'on doit
reserver
à la derniere saison, sans parler de ceux qui
la
precederont, & quoy que souvent on en
aye destiné à
estre bens à la primeur, on a
veu neanmoins souvent soit
que la cave y
ait contribué, soit qu'ils ayent repris
du
verd, ou changé de nature, qu'on a esté
obligé
de les garder les derniers à boire, &
que les derniers
marqués se sont trouvés en
estat d'estre bens les
premiers, c'est pourquoy
il faut tous les quinze jours goûter
ses
vins, les remplir tous les mois, regarder
devant &
derriere si rien ne s'enfuit,
examiner les cerceaux, & se
precautionner
<<27>>
pour le reliage de ceux qui
peuvent pourrir
plus promptement les uns que les autres.
Environ
la fin du mois de Juillet, ou
plûtost si le cas y échoit
faites en la reveüe, &
n'y manqués pas crainte de
tout perdre par
vostre negligence, percés toûjours
vostre
vin à demeurer, ne le picotés jamais,
c'est
le moyen d'en alterer la qualité, & je ne
puis
approuver, comme beaucoup de gens
pratiquent inconsiderement qu'on
en tire
aujourd'huy de l'un, & demain de l'autre,
comme
c'est necessité d'en remettre autant
qu'on en a osté,
& que souvent on apporte
peu de precaution à la nature
du remplage,
on gourmande, & on débauche si fort
le
vin, que ce n'est plus à la fin, ce que
c'estoit
auparavent, cette methode en
corrompt le goust, en change la
couleur, &
en avance la ruine de moitié; mettés
y donc
la fontaine à trois doigts du jable, un petit
baquet
dessous, afin que ce qui en découle
lorsque vous en tirés
ne se répande pas, &
ne pourrisse l'endroit où
il tombe, donnés
luy toûjours vent dans le jable d'en
haut
& jamais au dessus du tonneau, car de
cette maniere il
n'est pas si sujet à prendre
de l'event, hors le temps que
vous en
tirerés. Quand il sera aux deux tiers, &
par
delà, haussés le par derriere, ou ostés
les
<<28>>
pierres du devant le plus doucement
que
vous pourrés, crainte de le troubler en
l'ébranlant,
& ce afin que le vin soit toûjours
en plain, à
la fontaine, & mettés vous en
teste que si vous faites
vostre provision de
bonne heure, j'entends en Mars, ou au
plustard
en Avril, vous boirés toûjours le
meilleur vin de
Paris, & tenés pour certain
qu'il ne s'aigrira jamais
quelque bas
qu'il puisse estre. Je vous ay cy-devant
fait
comprendre & remarquer, que la
chaleur altere, & détruit
la qualité du vin,
qu'elle mange son verd, & consume
totalement
le fond qui le fait subsister, échauffe
sa
lie qui en est comme le fondement, &
le soûtien, &
quand vous venés à faire
une fourniture pendant les
grandes chaleurs,
les vins entichés de ce poison secret
se
trouvans dans une cave fraiche, il se
fait un combat des deux
qualités contraires
ce que l'on appelle ordinairement
Antiperistaze,
& par ce conflit vous voyés
insensiblement
vostre vin baisser, changer de
couleur, devenir
tout nuageux, tourner à
l'amertume, & devenir à
la fin tout aigre
apres en avoir tiré seulement six
bouteilles,
& quelquesfois point du tout.
Si par hazard on se dégoute d'une
bassiere n'a-t-on pas
toûjours quelque valet
<<29>>
pour la boire?
Ou n'a-t-on pas quelquefois
du poisson à cuire, s'il arrive
qu'elle
ne soit pas tout à fait potable, ainsi il n'y a
jamais rien de perdu dans un bon ménage.
Pour les delicats, & les rafinés on prend
d'autres
mesures, on s'attache aux vins de
Chably, de Tonnerre, & de
Coulange si
la Bourgogne n'a pas manqué, ce qui
arrive
rarement, quand le pays Beauluois [>Beaulnois]
donne,
on prend du Volnay qui est le plus
exquis de tout le Canton, &
l'un des plus
renommés vignobles de France, mais
souvent
de dix années on n'en voit pas une
raisonnable quoy que la
quantité y soit. Si la
Champagne reüssit, c'est là
que les fins &
les friands courent avec empressement, il
n'est
point au monde une boisson, & plus
noble, & plus
delicieuse, & c'est maintenant
le vin si fort à la mode
qu'à l'exception
de ceux que l'on tire de cette fertile,
&
agreable contrée que nous appellons
generalement parlant de
Rheims, & en
particulier de S. Thiery, de Versenay,
d'Ay,
& autres lieux de la montagne, tous
les autres ne passent
presque chés les
curieux que pour des vinasses, & des
rebuts,
dont on ne veut pas méme entendre parler.
Aussi
est-il constant qu'il a une seve
admirable, que son goust charme,
& que ce
<<30>>
montant dont il embaume
l'odorat est
capable de resusciter un mort. L'un &
l'autre
sont bons quand les années sont bonnes,
&
principalement le Champenois
quand il n'a point ce grand verd dont
quelques
débauchés font tant d'estime, quand il
s'éclaircit promptement, qu'il ne travaille
qu'autant
que la force de son vin le permet
naturellement, car il ne faut
pas tant se
fier à cette maniere de vin qui est toûjours
en
furie, & qui boüillonne sans cette dans
son vaisseau,
Pasques passe c'en est fait, si
plus il s'en faut donner de garde,
souvent
apres tant d'orages, & d'émotions reïterées,
il se resout: A quoy? à rien, & ne
retient de tout
son feu, qu'un verd cru
fort déplaisant, & fort
indigeste qui
incommode la poitrine d'une estrange façon,
si
j'avois à parler à des gens de la profession,
je
m'étendrois plus amplement sur
ce fait, & je
découvrirois peut-estre le pot
au roses, mais épargnons
le mystere, je
passe toutes ces vaines, & inutiles
circonstances, parce qu'elles n'ont que faire de
grossir à
contre-temps ce volume destiné à
de plus
fructueuses demonstrations.
Voilà donc la boisson que j'ordonnerois
fort volontiers
aux illustres friands, & je les
solliciterois de tout mon
coeur de faire en
<<31>>
sorte qu'ils en eussent
ainsi que tous les
autres, au moins six mois apres l'écheance
de l'année, & toûjours des plus gris,
comme
estant les plus coulans, & les moins
chargeans
l'estomach car quelque bon que
soit le vin rouge, comme plus
materiel à
cause qu'il a cuvé plus long-temps, il
n'est
jamais si delicieux, & ne digere pas si
promptement
que les autres, & cause
consequemment quantité
d'indigestions & de
maladies. Il faut donc conclure qu'il est
necessaire pour la santé de boire du vin vieil
tout le
plus long-temps que faire ce peut
pour ne se point voir obligé
d'aller si
promptement aux nouveaux qui sont de
veritables
casse-testes, & qui par leur
violence sont capables de
renverser les
meilleures constitutions, s'éloigner du
cabaret
pour les suittes fâcheuses qui en resultent:
sur
tout buvez vostre vin au sortir de la
cave, & ne le gastés
point par ces artificieuses
momeries qui font toute la joye
de
nos débauchés, il suffit que l'eau soit
naturellement fraiche sans recourir à la glace,
qui
est la plus pernicieuse de toutes les
inventions; outre qu'elle
est la capitale
ennemie des liqueurs, & principalement du
vin.
Il faut asseurement demeurer d'accord
qu'elle l'affoiblit au
moins de moitié
<<32>>
& sans s'attacher
aux sentimens de quelques
incommodes voluptueux qui soûtiennent
que le vin de Rheims n'est jamais plus
delicieux que quand on
le boit à la glace,
& qui veulent que cette admirable
boisson
puise dans une si mortelle nouveauté, des
charmes
tous particuliers, comme si
j'allois dire que l'on brûle
plus aisément au
milieu d'une riviere, que dans un
brasier
bien ardent, pour moy je ne voy rien de
plus éloigné
du bons [!] sens, & de plus
contraire à la verité
que cette folle proposition,
car il est constant que la glace
fait
non seulement evaporer tous les esprits qui
sont enfermés
dans cette liqueur par sa
qualité froide & penetrante,
qu'elle en
diminüe le goust, la seve, & la couleur,
mais
encore il est vray de dire que son usage
est pernicieux,
mortifere, & cause
d'étranges accidens au corps
humain, elle y
fait naistre des coliques, des tremblemens,
des
convulsions horribles, & des foiblesses
si soudaines par la
dissipation de la chaleur
naturelle, dans le combat de deux
fameuses
contrarietés qui se rencontrent dans un
méme
sujet, que bien souvent la mort par
cette miserable, & fatale
invention à
couronné les plus magnifiques
débauches,
& fait d'un lieu de triomphe, & de
joye,
<<33>>
des sepulcres vivans, & des sujets
affreux
de la derniere, & plus sanglante desolation.
Les
accidens, & les exemples en sont si
communs que si je n'avois
à vous parler
d'une plus feconde & raisonnable
matiere,
je vous ferois un ample détail des
malheurs, &
des maladies toutes presque
incurables qui en ont esté la
suitte fâcheuse, (?)
sans dire les cheutes precipitées
de ceux qui
ont avalé la mort dans un verre de vin de
cette
nature, à qui les entrailles devenües
glacées,
une suppression des facultés, une
extinction totale des
esprits ont causé ces
douleurs extremes, & la pluspart
du temps
irremediables; je vous fais le portrait
affreux de
cette grande, mais trop ordinaire
catastrophe pour tacher
d'imprimer en
vostre esprit une tres-sensible aversion de
cette
abominable, & mortelle galanterie,
qui passe aujourd'huy non
seulement en
coûtume, mais encore qui s'érige
presque
en loy, & qui veut devenir une mode
necessaire,
toute inutile qu'elle est, pour
surprendre les sens avec artifice
& empoisonner
agreablement. Entrons je vous prie
dans un
meilleur sujet, & fondons tous ces
vilains glaçons aux
feux de ces illustres
cuisines, où l'on ne court point
risque de perdre
la vie, que l'on hazarde furieusement
<<34>>
au
milieu de ces deluges materiels, & de
ces cavernes
septentrionnalles, qui sont de
veritables retraites à
hyboux, & les
pepinieres communes des plus sinistres
evenemens
PREMIERE FACON DE SERVIR
d'un plat, & à
deux assiettes de six à
huit personnes.
Premier Service.
UN grand potage de santé d'un chapon,
& d'un
jaret de veau garny de
chicorée, cardes d'artichaux, &
d'un bon
coulis en servant.
Deux assietes d'entrée.
Une fricassée de poulets.
Une tourte de beatilles.
Autrement.
Un potage d'abattis d'agneaux garny de
petit lard, beatilles,
& tout l'assaisonnnement
convenable ainsi qu'il se verra au
traité
de chacun en particulier cy-apres.
Assiettes.
Langues de mouton marinées, ou non
marinées,
frites servies au sel garnies de
petits pastés de blanc de
chapon & de
moëlle faits au petit moule.
<<35>>
Une compote de pigeons.
Autrement.
Un potage d'un chapon & de six pigeons
garny &c.
Assiettes.
Une poitrine de veau en ragoust.
Une estouffade de poulets marinés.
Autrement.
Un potage de deux petits oisons, & de
quatre poulets
garnis, ou de beatilles, ou
d'une purée de pois verds selon
que la
saison y sera la plus conforme.
Assiettes.
Une tourte de moëlle.
L'autre de pigeoneaux en culotte.
Au second.
Relevés la soupe, & servés une piece de
bon
boeuf tremblante de sept à huit livres
pesant, mais bien
cuitte, que vous
garnirés de petits pastés comme
dessus,
d'andoüillettes, de coeurs de choux de Milan,
de
navets frits consommés dans leur
assaisonnement, de menües
beatilles, ayant
toûjours égard à la saison
qui vous permet
une chose, & qui vous deffend l'autre.
Autrement.
Une longe de veau au naturel, ou marinée
rostie dont le
rognon soit mis en capilotade
avec quelques autres menus
abatttis,
<<36>>
beatilles, & champignons, que
vous
répandrés par dessus tout chaudement,
icelle
longe de veau préalablement arrosée de
sa
marinade en cuisant, & apres mittonnée
dedans l'espace
d'un demy quart d'heure
au plus.
Autrement.
Un cochon au Perdoüiller, ou rosty avec
une farce delicate
qui l'on servira toûjours
à part dans une assiette à
la place de l'une
des deux d'entrées.
Ostés le tout & servés.
Un agneau entier moitié picqué, moitié
bardé, six poulets de grain picqués au tour,
&
six pigeons de voliere bardés entrelassés
le tout
proprement avec de bonnes oranges
si aucunes y a dans la saison
qui
vaillent, & garnissés vostre bassin de fleurs.
Assiettes d'accompagnement pour le rosti.
Deux salades telles que le temps, &
l'inclination le
demanderont.
Autre service de rost.
Deux chapons piqués, ou bardés, dont
il se
rencontre encore bon nombre jusques
à la fin de May, méme
des plus gras, deux
petits oisons de l'année bardés,
& six
poulets de grain, à la place des chapons
mettés
si vous voulés un cochon de lait, une
longe de veau, ou un
petit quartier de veau
<<37>>
gras picqué,
pourveu que ces especes
n'ayent esté déja servies:
je ne vous
repeteray pas davantage qu'il faut des oranges
par
tout où il y a du rosti tant que l'on en
peut avoir.
Autrement.
Un bon demy agneau gras, quatre
dindoneaux, & huit pigeons
de voliere, ou
quatre lapereaux de garenne.
Autrement.
Un franc marcassin, deux petits levraux
& huit ramereaux,
ou telles autres especes
que vostre inclination vous suggerera
cy-devant enoncées, & souvenés-vous
qu'en
servant du gibier, il faut toûjours presque
des
poivrades que l'on fait avec bon vinaigre,
sel, geroffle, poivre
blanc, escorces
de citron & d'oranges, verjus pour
adoucir,
faites boüillir le tout ensemble deux ou
trois
boüillons avec un peu de chapeleure
pour faire liaison,
passés ladite poivrade, &
la servés chaudement
dans une saussiere ou
pourcelaine, une poignée de capres
dedans
si vous les aimés, cette poivrade ne se
sert
ordinairement qu'aux levraux & aux
marcassins, non
qu'elle soit mauvaise pour le
reste, le tout dépend du
goust & de la
fantaisie.
<<38>>
-------------------------------------------------------
Ostés
le tout à l'exception du bassin du
milieu, & servés
l'entremets.
Deux assiettes.
L'Une de ris de veau frits servis à sel
avec des
oranges, ou le jus de citron,
ou les ris en ragoust, l'autre de
tranches
de jambon de Bayonne, ou de Mayence.
Autres.
Ris de veau picqués rostis assaisonés par
dessus
d'un bon coulis, ou servis avec
citrons, & oranges,
Une
assiette de blanc manger.
Autrement.
Une assiette de gelée, &
Une tourte de franchipanne.
Autres assiettes.
Champignons
Et asperges en pois verts.
Autres.
Petit pois verts.
Et artichaux frits.
Autres.
Petits febves au lard, & à la cresme,
Et des culs
d'artichaux à la compote.
Autres.
Asperges de longueur, &
<<39>>
Une assiette
d'oeufs ambrés à l'escorce de
citron.
Autres.
Champignons frits en baignets, ou farcis,
Morilles ou
mousserons.
Tout ce que dessus peut estre changé, &
diversifié
selon la conjoncture des temps
non seulement, mais encore selon le
goust
& l'humeur des gens, faisant un juste, &
agreable
mélange de tous les ragousts, &
des autres especes les
unes avec les autres,
ainsi par l'example des premieres
assiettes
d'entremets, où j'ay donné les ris de
veau
frits, & des tranches de jambon, on peut
aisement
changer cet article de la façon qui
suit, à sçavoir
n'en prendre si vous voulés
que les ris, & mettre à
la place du jambon
telle autre assiette cy-devant enoncée
qu'il
vous plaira, & ainsi du reste, quand à la
façon
d'aprester tout ce que dessus nous le
verrons en son lieu &
place par une
methode aussi belle qu'intelligible.
Maintenant pour le nombre de dix à
douze un grand ovalle
produira encore le
mesme effet, en servant deux grands plats,
&
trois assiettes, pour ce faire on n'a qu'à
choisir dans le
nombre, & la qualité des
potages, des entrées,
viandes rosties, salades
& entremets cy-dessus specifiés
tout ce
<<40>>
qui se presentera à
l'imagination, & au
goust pour en composer un ordre
nouveau
conformément à la saison.
Exemple.
Un potage de santé d'un chapon, d'un
jaret de veau,
Et
de huit pigeons garnis selon l'art,
Un autre grand potage de deux
petits
oisons, & de six poulets, partie au naturel,
&
partie farcis garnis &c.
Trois assiettes d'entrée.
Une tourte de beatilles.
Une de moëlle,
Et la troisiéme
sur la saliere d'une fricassée
de poulets.
Le second.
D'un costé un petit agneau & huit
poulets de grain
autour,
De l'autre quatre petits dindons picqués,
&
douze pigeons de voliere.
Qui voudra changer aye recours à la table
des viandes à
rostir, ou à celles qui ont esté
déja
servies par ordre, & y choisisse pour
arriver à sa fin
une partie d'un costé, une
partie de l'autre, ce sera le
veritable moyen
de contenter son monde, & de se
satisfaire
soy-mesme.
Qui aura dessein de diversifier le second
par la maniere de
servir la plus receüe, &
<<41>>
la plus
ordinaire aujourd'huy ne donnera
s'il veut qu'un bassin de rost,
mais bien
garny.
Exemple.
Un petit agneau entier picqué, six
poulets de grain,
six pigeons de voliere, &
douze cailles, cette façon
est plus galante,
au goust mesme des plus raisonnables, &
qui
tiennent table ouverte aux illustres
friands, attendu que toutes
ces especes
succulentes se joignant, & unissant de fort
prés
l'une l'autre se conservent bien mieux
dans leur bonté,
leur jus, & leur chaleur,
& font par le bel ordre avec
lequel elles
sont disposées un agreable, &
charmant
spectacle aux yeux des invités, mais encore
plus
delicieux pour la satisfaction de
l'appetit.
Autre grand plat de Rost.
Quatre petits dindons de l'année picqués,
quatre
lapereaux de garenne, douze
pigeons en ramereaux, & six
poulets de
grain, si vous desirés changer au lieu
des
dindons mettés une moitié d'agneau gras,
ou
un quartier de veau de laict picqué, ou
un petit marcassin,
ou bien de toutes ces
differences, composés-en une maniere
qui
flatte le plus, & la pensée & l'inclination.
<<42>>
Pour les salades.
Voyés & recourés en leur Chapitre
feüillet.
Assiettes d'entremets.
Prenés, & choisissés parmy toutes celles
que
j'ay proposé cy-devant tel nombre
qu'il vous plaira, &
ce que vous jugerés le
plus à propos, & le plus
convenable au
temps, & aux personnes à qui vous
donnés
à manger.
Parlons maintenant de la seconde, & plus
somptueuse maniere
de servir, de laquelle
aussi toutes personnes raisonnables
peuvent
bien user quand au besoin, car il faut, s'il
vous
plaist observer, que ce n'est point la
qualité qui paye,
mais bien plûtost le
revenu menagé, & quiconque
a dequoy
soûtenir la dépense qu'il faut faire pour y
parvenir est receu à donner à manger
aussi
galemment dans sa condition toute mediocre
qu'elle peut
estre comme le plus grand
Seigneur, & le plus accommodé.
Quant au Buffet.
On peut ajoûter à ce que j'ay premierement
décrit
autre nombre de grands bassins
de toute figure, flaccons, buires,
vazes,
soûcouppes, partie d'argent, partie vermeil
doré,
des pots & pourcelaines remplies
de fleurs, urnes,
cassolettes, le tout
<<43>>
dans un compartiment, &
une ordonnance
la plus reguliere que faire se pourra, si
l'action
se passe le soir, il faudra quantité
de lustres, flambeaux,
plaques à miroirs
qui répandront par tout une
éclatante
lumiere par le reflechissement de tout
cét
illustre & brillant appareil.
Table quarrée.
Si l'on veut servir à table quarrée à
proportion de l'ovalle, & pour la mieux
remplir, apres
avoir servi les deux potages de
coin en coin, il faudra servir les
assiettes
aussi de coin en coin sur des plats de
grandeur
presqu'esgale que les premieres,
quant à une troisiéme
assiette si on en veut
on la mettra sur la saliere du milieu de la
table, ou machine faite exprés à branches, ou
comme
quelques-unes dont j'ay donné le
modelle, & qui portent
sur l'extremité de
leurs branches un cercle de grandeur
convenable pour contenir une assiette, avec la
liberté
de prendre du sel encore par dessous,
sans neanmoins retrancher
celles qu'il faut
necessairement disposer dans le quatre
coins
de la table, d'un moule fort propre,
& fort delicatement
travaillé.
Deuxiéme maniere.
Un grand potage de six poulets farcis
garnis de pointes
d'asperges en pois verts,
<<44>>
de laictuës
pommées, ou concombres farcis,
de menües beatilles
bien delicates,
bien liées, & tout moins gras que l'on
pourra.
Autre.
Un potage de santé de deux gros chapons,
un jaret de
veau, & de quatre poulets
au naturel, ou huit pigeons garnis
de
chicorée blanche, cardes d'artichaux,
laictuës
pommées, & d'un bon coulis que
l'on versera dessus en
servant.
Autre.
Une bisque de douze, ou dix-huit
pigeons accommodée
selon l'art.
Autre.
Un potage de deux petits oisons, farcis,
ou au naturel, de six
pigeons, & douze
cailles aux pois verts.
Petits potages d'assiettes.
L'un à la Reyne; Et
l'autre de menus abbattis
d'agneau.
Et pour abreger matiere il faut exactement
remarquer
que vous pouvés facilement
composer vos petits potages des
choses
mesmes qui font les grands, & pareillement
faire les
grands de tout ce qui compose
les petits, de sorte que servant
les
deux grands potages cy-dessus vous
pourrés donner
en petits.
<<45>>
A sçavoir.
L'un de six pigeoneaux, &
L'autre de deux petits oisons
farcis,
Le tout garny selon les regles, & la methode
que
j'en donneray en leur Chapitre.
Autres.
L'un de huit cailles en purée de pois
verts, ou
assaisonnés d'un bon coulis avec
menües beatilles,
L'autre de trois poulets farcis garnis selon
l'art, &c.
On peut faire ainsi de tout le reste en se
donnant bien de
garde de servir les trois
soupes, ou autres generalement
quelconques
en rapport l'une à l'autre, afin
d'exciter
l'appetit par la diversité.
Pour la maniere de dix à douze.
Il n'est pas besoin de faire icy des repetitions
inutiles, il
faut seulement doubler
les viandes, & en augmenter les
garnitures
avec un juste discernement de ce qui peut,
&
doit convenir aux uns & aux autres.
Exemple.
On peut servir le grand potage de deux
chapons & de douze
pigeons garnis, &c.
Ou
Une bisque de tel nombre de pigeoneaux
que l'on voudra
accommodée selon l'art.
<<46>>
Ou
De deux oisons farcis, six poulets au
naturel, ou moitié
d'iceux farcis, & douze
cailles.
Pour les petits.
Faites une reduction des matieres, &
observés bien
de ne pas exposer les mesmes
choses en trois plats differents, car
vous
avés tant à choisir que je commence à me
rendre incommode, & importun à moy-mesme,
de dire,
redire, & repeter toûjours
une mesme chanson, par
exemple il
est bien plus facile de trouver une somme
de cinq
cens livres dans un sac de mille
francs, que d'en faire une de
mille dans
une partie de cinq cens, & ainsi jugés
du
reste par cette familiere comparaison.
Au second.
On peut donner une poictrine de veau
farcie garnie de
costelettes aussi de veau
marinées frites ou sans mariner,
& autres
menües beatilles accommodées selon l'art.
Assiettes d'entrée.
1re.
Une estouffade de poulets marinés garnie
de ris de veau
entiers frits, servis à sel,
en baignets.
2e.
Une compote de pigeons garnie aussi de
<<47>>
pigeons
frits par quartiers servis à sel avec
quantité de
persil frit tres-verd, garniture
de citron, d'orange, & de
grenades.
Autres.
Une tourte de chapon de desossé,
L'autre d'un membre de
mouton desossé
farcy.
Autres.
Une fricassée de poulets, garnie de poulets
aussi
marinés, ou sans mariner frits,
& servis à sel
par quartiers avec le mesme
ornement des pigeons à la
compote comme
cy-devant.
Une fricassée de pigeoneaux cardonnée,
&
garnie d'asperges en pois verts, petits
foyes & autres menües
beatilles en
ragoust.
Autres.
De langues de mouton en ragoust garnies
de quantité de
petits pastés faits avec
la chair de veau, de chapon,
moëlle &
autres assaisonnemens convenables.
L'autre de petits oisons à la daube servis
chauds garnis
en confusion de fricandeaux
de veau frits en baignets, persil,
citron,
fleurs &c.
Si vous en voulés autrement retournés,
&
renversés toutes les susdites manieres
selon vostre
imagination & vostre desir,
<<48>>
ayant
toûjours comme dit est grand égard
à la saison
qui souvent nous refuse ce que
naturellement elle devroit donner
en
abondance.
Troisiéme service.
Un grand bassin de rost composé d'un
petit agneau, huit
poulets de grain, huit
pigeons de voliere & douze cailles.
Autre.
Un demy agneau gras, un franc Marcassin,
deux petits levraux,
quatre dindonneaux,
& huit tourterelles.
Autre.
Quatre poulardes picquées, douze
pigeons de voliere,
quatre lapereaux, &
quatre faisandaux, si les ramiers,
perdreaux,
& autres especes sont de la saison
servés
vous en.
Si vous voulés deux plats de rost composés
les
vous mesmes de toutes les especes
que je vous ay proposé
cy-dessus, & ce à
vostre fantaisie, car il ne m'est pas
facile
de deviner les appetits & les gousts.
Assiettes d'accompagnement de Rost.
On donnera oranges communes à jus,
bigarades, oranges de
portugal, citrons
doux, communs, poivrades, salades, olives,
&
autres galanteries qui conviendront
le mieux.
<<49>>
Exemple.
Olives de toute nature, chicorée blanche
garni de
betteraves figurées, serfeüil
& fleurs, le tout
dans une ordonnance la
plus reguliere qu'il se pourra.
Laictuës nouvelles bordées de violettes:
&
autres menües herbettes, chicorée blanche
sauvage à
l'huille, ou au sucre, de citron
& de grenades avec des eaux
odoriferantes,
& le sucre, salade de laictües pommées
par
quartiers garnie de petit pourpié
nouveau, de toutes sortes
d'herbettes
naissantes, que le temps, & la belle saison
vous
presente, & que l'industrie des hommes
doit sçavoir
artistement parer, changer,
enjoliver, & diversifier
agreablement,
salade de concombres, cornichons, pourpié
confit,
passepierre, cresson, celery,
d'anchoirs, à quoy vous
mélangerés toûjours
des fleurs differentes
pour en faire les
garnitures, & rendre les objets
plus
charmans & plus agreables à la veüe.
Pour tout cela il y a moins de sçience,
que
d'invention, il faut seulement avoir
de la meilleure huille, du
vinaigre de
plusieurs façons pour contenter les gousts
opposés, comme celuy de framboise, de
roses,
d'oeillet, d'estragon, de sureau,
lesquels ne sont bons
simplement que pour
<<50>>
les salades & les
poivrades à froid, & qui
ne doivent jamais entrer dans
la composition
des saulces.
Entremets.
Voyés s'il vous plaist à la premiere maniere
des
entremets, choisissés-les à vostre
goust, il n'y a
qu'à doubler la doze des
garnitures, amplifier les
ragousts, & leurs
assaisonnemens, apres cela tout vous viendra
à souhait.
Exemple.
En donnant une assiette de ris de veau à la
saulse on
peut pour l'augmenter, la garnir,
& la border de quelques
autres ris, ou frits,
ou picqués rostis, au lieu de
tranches de
jambon, il en faut servir un entier orné
de
citron, de fleurs, & de laurier rose,
Ou un pasté
de perdrix,
Ou une poictrine de veau à la daube, &
deux
petits dindons aux costés.
Quand aux legumes, tourtes, gelées,
blancs-mangers, &
autres galanteries
d'entremets, il faut les amplifier par
d'agreables
garnitures, ainsi que je feray voir dans
le Traité
des assaisonnemens.
Depuis le mois d'Aoust jusques aux jours
gras ensuivant on peut
changer les viandes,
entrées, ragousts, entremets,
salades,
de la maniere qui suit, & servir
d'abondant
<<51>>
les potages cy-dessous.
Exemple.
Un potage de petits oisons au lard garny
d'une purée de
pois verts de la saison.
Potage d'abattis, ou d'agneaux, ou de
poulets dindes, ou
d'oisons.
Potage de canards aux navets.
Potage de pigeons aux
choux.
Potage de poictrine de veau.
De la S. Martin au Caresme.
Un potage de chapon aux oignons blancs.
Potage de perdrix aux
choux.
Si vous en voulés d'autres pour augmenter
le service
ayés recours aux precedens,
tant grands que petits, &
dans leur nombre,
aussi bien que dans leur qualité
choisissés
avec plaisir & jugement ceux que
vous
estimerés le mieux convenir, ou estre
les plus rapportans à
l'usage, & au courant
de la saison; car par exemple on peut
en
tout temps servir la bisque de pigeoneaux,
en tout temps
donner des potages de poulets
farcis, quoy qu'apres Pasques ils
soyent
rares, & fort petits, les tardifs ne manquant
point
de suppleer à leur deffaut, des
soupes de santé de
chapon, de jaret de veau
tous garnis chacun son espece & sa
nautre,
mais il n'est pas toûjours le temps de manger
des
pois verts de la saison printanniere,
<<52>>
des
navets, des choux pommés de Milan,
& autres choses
particulieres que la
nature mesme ne peut donner &
produire
qu'avec des gehennes, & des
contraintes
extraordinaires.
Les entrées de cette haute saison sont
presque toutes
égales, & ont beaucoup de
rapport avec celles de la
premiere, il en
faut neanmoins voir quelques-unes qui
peuvent
y avoir plus de conformité.
Exemple.
Poulardes en ragoust.
Eschignée aux pois.
Foye de
veau en ragoust, ou par tranches
marinées frites servies à
sec, ou assaisonnés
d'un bon coulis dans lequel on les
fera
mitoner.
Espaule de mouton en galimafrée, ou en
hachy.
Membre de mouton à la daube servy
chaud avec beatilles.
Tourte de chapon desossé, & toutes autres
sortes de
tourtes d'entrées cy-devant
specifiées au premier
service.
Poictrine de veau farcie frite, ou au
naturel, l'une &
l'autre servie à sec, ou
mittonée en de bonnes
liaisons.
Boudin blanc, andoüilles, & saulsisses,
mais tout cela
n'empesche point que vous
<<53>>
ne preniés
dans les precedentes entrées
partie de celles qui vous
plairont le plus si la
saison ne s'y oppose, attendu que bien
souvent
les grandes gelées, & la rigueur d'un
long &
fâcheux hyver, nous empeschent
d'avoir librement & en
quantité les plus
essentiels assaisonnemens du ragoust,
comme
champignons, asperges, artichaux,
cardes, choux-fleurs, &
plusieurs autres
petites douceurs sans lesquelles on ne peut
rien
faire que d'imparfait, & qui mesme
parce que venuës avec
beaucoup de peine
& d'artifice, n'ont ny faveur ny goust,
&
coûtent beaucoup d'argent.
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TABLE
DES VIANDES A
rostir qui se trouvent plus ordinairement,
&
qui sont les plus naturelles de Pasques
à la S. Iean.
Premierement.
L'Agneau servy entier moité picqué,
moité
bardé, & pour empescher que
le costé de ventre
ne prenne trop viste cuisson,
& ne se brûle, il faut le
barder tour
à tour d'une grande feüille de papier
blanc
bien beuré, & la lier proprement. Un
quart
d'heure avant que vous retiriés ladite
<<54>>
viande
de la broche vous luy osterés ce petit
contre-corps qui
aura servy à repousser
les grandes & premieres ardeurs
du feu,
pour achever sa cuisson, n'oubliés pas
avant
toutes choses de mettre un morceau
de beure frais, du sel, &
du poivre dans le
corps, parce que les viandes de laict
estant
d'elles mesmes fort fades, il les faut relever
avec un
bon assaisonnement, qui cuisant
avec elles, les humecte, & les
penetre
en sorte qu'elles en prennent tout le
goust, observés
aussi de les arrouser de
temps en temps avec ce qui en découlera.
Agneau gras.
(...)
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